Catastrophes naturelles : de la prévision à la gestion de crise
I - Les prévisions météorologiques
Nous le répétons souvent : la météorologie n'est pas une science exacte. Certains épisodes sont facilement anticipés, mais d'autres le sont moins. Nous tenions à revenir sur cet élément qui nous semble prépondérant pour comprendre la notion de prévision. Prévoir un orage ou plus largement un événement métérologique n'est pas un exercice simple : pour cela, le prévisionniste doit nécessairement analyser des modèles numériques de prévision. Ces modèles sont des supercalculateurs sur lesquels sont initiés des champs de prévisions, tels que la pression au sol, les vents à différentes altitudes, l'instabilité, les forçages atmosphériques, pour n'en citer que quelques uns...
Ces champs sont ensuite couplés et aboutissent alors sur un scénario. Il existe différents modèles, initiés et calibrés sur des maillages plus ou moins fins, en fonction de ce que l'on cherche à savoir, de ce que l'on cherche à analyser. C'est là qu'intervient le prévisionniste, en apportant une "expertise humaine" qui vient valider ou infirmer le scénario modélisé.
Carte des différents champs exploitables sur les modèles de prévisions numériques © Météociel
La prévision météorologique est de plus en plus performante en France, mais il ne faut pas être naïf : il est encore impossible de savoir avec certitude "où" se développera l'orage, avec "quelle sévérité" il se développera et surtout "combien de temps" il stationnera... ! Non, tout au plus il est envisageable de dégager une tendance depuis les modèles de prévision. Par exemple, on peut désormais dire que l'environnement atmosphérique est favorable à la formation d'orages très pluvieux à l'échelle d'un département, parfois même d'un bassin versant, mais on ne peut jamais en être certain car une modélisation demeure un scénario possible, envisageable, en somme une simple hypothèse.
II - Le système de vigilance Météo-France :
De ce constat, nous souhaitons revenir sur le système de vigilance, souvent décrié :
- Les vigilances ne sont pas des "ALERTES" mais servent uniquement d'aide à la décision. Le passage à la vigilance orange est décidé par le prévisionniste Météo-France, alors que le passage au rouge fait intervenir d'autres acteurs. Par ailleurs, il existe des seuils "biométérologiques" qui tiennent compte du phénomène météorologique (par exemple pour une vigilance rouge pluie en méditerranée, il faut qu'il tombe 300 mm sur une portion significative du département) mais également des enjeux exposés, tels que le nombre de personnes, l'heure du phénomène, etc.
- La vigilance n'est pas uniquement destinée "au grand public" mais elle sert avant tout aux acteurs de la sécurité civile pour l'organisation des moyens de secours qui participent aux cellules de crise déclenchées par le Prefet. Lors d'une vigilance orange, les SDIS (Service Départemental d'Incendie et de Secours) interviennent en fonction des conditions météorologiques, appuyés par les associations agréées de sécurité civile telles que la Protection Civile ou la Croix-Rouge. Pour une vigilance rouge, les SDIS sont accompagnés de moyens zonaux voire extra-zonaux (COZ = le Centre Opérationnel de Zone), les enjeux n'étant plus les mêmes.
- Les vigilances se font à l'échelle départementale. Cela signifie qu'une portion d'un département peut être touchée, mais qu'une autre peut très bien rester en marge. Ainsi, il arrive fréquemment que l'Hérault et le Gard soient en vigilance orange pour un risque de fortes pluies et que les villes de Nîmes et de Montpellier soient peu impactées, tandis que l'arrière pays (Lodève, Ganges, Alès) subit des précipitations intenses. Nous attirons l'attention là dessus : la vigilance témoigne d'un risque et non pas d'une certitude.
- Par ailleurs, le système de vigilance Vigicrues et celui de Météo-France fonctionnent ensemble. Quand un cours d'eau passe en orange sur Vigicrues, la vigilance Météo-France est automatiquement réévaluée à l'orange. Nous pensons qu'il est important de préciser cet aspect. Par exemple, une crue sur le Rhône peut engendrer le passage en vigilance orange du Gard, du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône, sans pour autant que les villes de Nîmes, de Carpentras, ou de Marseille ne soient inondées. Il est important de bien lire les bulletins de vigilance pour savoir quel type de phénomène est associé.
III - Les mesures de prévention, de sensibilisation et de réduction de la vulnérabilité :
Pour rappel, les orages méditerranéens comptent parmi les plus violents, avec des quantités de pluies qui peuvent être très importantes en peu de temps. Nous nous souviendrons plus particulièrement des crues de 1999 dans l'Aude avec plus de 600 mm en 24h, des terribles inondations de 2002 dans le Gard (687 mm en 24h), du Var en 2010 (plus de 400 mm en 24 heures) ou plus recemment des 300 mm en quelques heures observés l'automne 2014 à Grabels. Pourtant, les inondations ont toujours existé : 1940 dans les Pyrénées-Orientales (1000 mm en 24 heures, 1900 mm en 5 jours, près de 300 morts) mais encore 1859 à Nîmes... pour ne citer que quelques exemples. Nous vivons donc dans un territoire à risque.
Inondations à Nîmes le 03 Octobre 1988 © prenvention2000.org
On ne peut lutter contre l'aléa en lui même : les orages existent depuis toujours et continueront d'exister. Alors que faire ?
- Nous pensons qu'il est nécessaire de sensibiliser la population et de l'acculturer aux risques naturels. Instaurer une culture du risque est nécessaire pour que les populations perçoivent les risques auxquels elles sont soumises. Au delà des outils réglementaires à disposition des collectivités, la culture du risque devient une stratégie nationale dans le domaine des inondations, dans laquelle nous nous intégrons pleinement. Cette démarche de sensibilisation se fait au travers de communiqués comme celui-ci, de conférences, ou encore d'articles sur le site et notre page facebook. Par ailleurs, notre bureau d'études ARHYA permet aujourd'hui aux écoles, associations et collectivités de bénéficier d'interventions ciblées et adaptées aux problématiques locales. Contactez-nous pour en savoir davantage.
- Si l'on ne peut lutter contre l'orage en lui même, dans le sens où l'on ne l'empêchera pas de se former, il existe des mesures de réduction de la vulnérabilité. Ces mesures peuvent se traduire par la création d'ouvrages lourds, tels que les barrages, les digues, les bassins de rétention. Elles peuvent également se traduire par des mesures plus légères et individuelles, notamment dans les zones inondables, tels que les batardeaux (qui réduisent la vulnérabilité face au ruissellement) ou encore les étages refuges. Certains habitants, bien conscients du risque inondation dans leur commune, n'aménagent pas leur rez-de-chaussée...
Pour clôturer cet article, nous tenons également à reporter un fait : le département du Gard affiche le taux le plus important de communes équipées de PPRI en France (Plan de Prévention du Risque Inondation). Le PCS d'Alès (Plan Communal de Sauvegarde) est l'un - si ce n'est le - des plus aboutis de tout le pays. Globalement, les catastrophes de ces dernières décennies ont déclenché une véritable prise de conscience auprès des collectivés. Il y a bien évidemment des axes à travailler, à perfectionner, tout n'est pas parfait mais ne crachons pas dans la soupe : des efforts sont menés et nous tenons à les souligner.
De la prévision des phénomènes météorologiques au déclenchement de mesures de protection et de mise en sauvegarde des biens et des personnes, il y a de nombreux acteurs qui doivent travailler main dans la main. Au travers des vigilances et des reportages médiatiques, seule une toute petite partie de l'iceberg est apparente. Pourtant, de nombreuses actions sont menées dans l'ombre, que ce soit d'un point de vue réglementaire (les PPRI, les PCS, etc) mais encore dans le monde de la météorologie. Nous invitons chaque citoyen à s'interroger sur les problématiques actuelles du climat. Il est nécessaire que chacun sache à quoi il est exposé, afin de s'en protéger. L'excellente thèse de Laurent Boissier sur la mortalité liée aux crues torrentielles dans le Sud de la France l'illustre bien : une bonne part des décès sont imputés à des erreurs comportementales durant les intempéries.
Cet article n'est qu'une ébauche des pistes et des réflexions à creuser. Nous avons essayé d'aborder succinctement le fonctionnement institutionnel lors des intempéries. Si certaines personnes souhaitent obtenir des informations complémentaires, n'hésitez pas à nous contacter via le formulaire ci-dessous. L'équipe de Météo-Languedoc continuera de s'inscrire dans cette démarche d'information et de sensibilisation de la population.
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